Noël et les traditions : qu’est-ce qu’on garde, de quoi on se libère ?

Aujourd’hui, j’avais envie de te parler de la façon dont on fête Noël, parce que c’est un peu particulier chez nous : je suis Française, mon mari est Tchèque et on habite à Zurich depuis 11 ans.

 

Ça veut dire qu’on a un héritage de traditions françaises, tchèques et suisses alémaniques.

Pour être pleinement honnête, pendant longtemps, Noël a été synonyme pour moi de repas interminables, souvent sur fond de débat politique peu constructif. Evidemment, je ne le conscientisais pas comme ça quand j’étais petite, ça se traduisait plutôt par une sensation de lourdeur dans la poitrine, mais c’était ça. Des repas interminables, une montagne de nourriture à ingurgiter et en fait, un peu d’ennui parce que j’ai longtemps été la seule enfant dans un monde d’adultes, et que quand ma demi-sœur est née, j’étais déjà trop grande pour jouer avec elle comme avec une copine. Mais pour moi, ce concept c’était un peu une évidence, la certitude que c’est « comme ça qu’on fait ». Evidemment, il y avait aussi la partie excitation, enthousiasme, plaisir d’ouvrir les cadeaux… Mais les deux ne sont pas incompatibles.

Après, en voyageant, en habitant dans d’autres pays, en commençant à fêter Noël avec celui qui allait devenir mon mari, je me suis rendu compte (à ma grande surprise 🤣) que tout le monde ne faisait pas tout pareil… Et notamment que cette histoire de repas interminable n’était pas une fatalité. C’est là qu’on voit comme la façon dont on est élevé détermine notre curseur de la normalité, et à quel point il peut être difficile de s’en extirper si on a pas un élément perturbateur qui vient nous questionner (en l’occurrence, quelqu’un qui fait autrement).

Et c’est là que j’ai arrêté de fêter Noël comme il « fallait », et que j’ai commencé à me demander comment je voulais le fêter.

Et il se trouve que ce dont j’ai envie à Noël, ce n’est pas spécialement de passer ma vie à table ou en cuisine. Alors bien sûr, si toi c’est ton truc, et si ça se passe bien pour toi, c’est tout à fait ok ! C’est juste que pour moi ça ne l’était pas, mais je me croyais obligée de fêter d’une certaine manière, pour perpétuer les traditions. Je me mettais aussi une pression de dingue sur ces deux jours que sont le 24 et le 25, avec l’ambition que ce soit absolument magique et inoubliable. La recette idéale de la déception et de la frustration.

Maintenant, année après année, je crois qu’on fête Noël d’une manière qui nous ressemble de plus en plus. On se libère des codes pré-établis et on fait comme on a envie. On s’écoute et on rend de moins en moins de comptes autour de nous. Résultat ? J’arrête de me stresser comme une malade sur le repas. Qu’est-ce qu’on va manger, est-ce que ça va être assez spécial, et si je faisais des petites maisons en pain d’épices décorées de sucre glace autour de ce gâteau au chocolat avec coeur framboise que j’ai vu sur Pinterest (= nécessité de prévoir une semaine à l’avance + courir au magasin chercher LE truc qui manque + 5 heures de boulot + un gâteau qui n’est jamais aussi réussi que sur la photo + un ou deux enfants qui vont me dire qu’ils auraient préféré un mochi). Et si je faisais ces emballages cadeau merveilleux avec zigouigouis découpés à la main pour faire plus beau ? Et si je créais moi-même mon calendrier de l’Avent pour les garçons ? Et si, et si, et si… Et je ne te parle pas des vacances marathon qu’on a pu faire à l’époque pour aller rendre visite à toute la famille, entre la France et la République tchèque, et dont on revenait vidés.

Bref, tout ça c’était beaucoup de « je dois » et pas beaucoup de vrais moment de plaisir, de reconnexion et de détente. Encore moins de réflexion intérieure, comme on se le souhaite à tours de bras en Suisse alémanique (le fameux besinnliche Weihnachtszeit).

Et progressivement, j’ai lâché. J’ai lâché sur le repas. J’ai commencé à en faire moins, parce que de toute façon au bout d’un moment personne n’a plus faim et se force. J’ai lâché sur les petits détails des décorations, parce qu’il n’y avait que moi qui le voyais. Et les garçons ont eu un calendrier de l’Avent en chocolat et acheté, comme dans les années 90. Il faut choisir ses combats, alors je suis en paix avec ça. Et eux, ravis.

Du coup, cette année, le 24 a commencé à 6 h 21 pour moi 😬 et j’ai eu le temps d’avancer sur un joli puzzle avec les garçons, de lire des Tintin, d’allumer une bougie en y mettant une intention, le tout sans m’inquiéter de la montagne de nourriture à préparer. J’ai un peu lu, on est allés manger une bonne pizza pour le midi de mon anniversaire, qui se trouve aussi être ce jour-là. L’après-midi, j’ai envoyé les garçons jouer une heure au hockey avec leur père et j’ai préparé le repas tranquillement. Je n’ai choisi que des plats rapides à faire, et j’ai acheté le dessert. Eh oui, j’ai acheté le dessert, messieurs-dames. Impensable il y a encore quelques années.

Et le 25, il fut un temps où je m’infligeais de repréparer tout un énorme repas de midi, par respect pour la tradition, parce que ma grand-mère nous invitait toujours pour ce moment-là en préparant 8 plats. Mais je me suis rendu compte que ce n’était pas de ça que j’avais envie, que je ne ressortais pas de ce type de journée en ayant l’impression d’avoir passé un merveilleux moment. Alors ces dernières années, on a fait une fondue moitié-moitié et on est allés au théâtre de marionnettes qui passait à Zurich. Les garçons adorent et franchement, nous aussi 🤣 Ça nous faisait une petite sortie sans prétention, une petite tradition du 25. Malheureusement cette année, pas de tente de marionnettes, alors on a décidé de faire un feu. Oui, un feu, dehors. Il y a des endroits pour faire des grillades dans la forêt juste à côté de chez nous, où les gens vont très souvent pique-niquer l’été. On y est allés, et on a fait la fondue là-bas. Les garçons sont allés chercher des branches, ils ont aidé à faire le feu, on a admiré les flammes et on a profité de leur chaleur dans la clairière presque déserte, et c’était juste magique. Je n’exagère pas. On était ensemble, à passer un moment qui nous convenait à nous, sans prise de tête, et je pense que les garçons s’en souviendront.

Alors l’idée, ce n’est pas de bazarder tout ce qui faisait Noël quand on était petits, loin de là. On a fait la salade de pommes de terre chères au coeur de mon mari, on a décoré le sapin, fait des sablés, des bougies, une couronne de l’Avent, et j’en passe. Le soir du réveillon, on s’est bien habillés, on a fait une belle table et on a mangé des noix de Saint-Jacques. Mais je n’ai pas surinvesti l’événement cette année, j’avais juste trop de choses à côté.

Si je te raconte tout ça, c’est juste pour t’inviter à te demander il si tu fêtes le Noël dont tu as envie, et celui qui est vraiment bien pour toi et tes enfants. Et pour te dire que tu as le droit de changer les traditions, et d’en créer de nouvelles. Parfois, on croit qu’on ne PEUT pas faire autrement, alors qu’en fait, on a juste pas encore OSÉ 😉

 
Précédent
Précédent

Résolutions versus intentions